L'actualité de la crise: crise économique et vide politique aux Etats-Unis, par François Leclerc

Billet invité.

CRISE ECONOMIQUE ET VIDE POLITIQUE AUX ETATS-UNIS

« La fête est finie  ! » s’est exclamée Nancy Pelosi, la présidente démocrate de la Chambre des représentants, afin de fêter l’adoption de la loi intitulée « Réforme de Wall Street et loi de protection des consommateurs », qui est intervenue hier. Au risque de la contredire, on peut penser que celle-ci va au contraire plus que jamais continuer. Car les lobbies sont parvenus à creuser un véritable gouffre dans ses dispositions, déjà très accommodantes, grâce au vote d’un amendement qui fait pratiquement échapper à tout contrôle l’essentiel des activités sur les produits dérivés. Après que, petit à petit, de nombreux trous aient été creusés au fil des semaines dans leur projet de dispositif de régulation. Ces produits mêmes qui ont été le vecteur de la crise actuelle (dont le marché est quasi exclusivement contrôlé par Goldman Sachs, Morgan Stanley, Chase, Citi et Bank of America), et qui le seront encore à la prochaine occasion. En proportion, le reste des dispositions apparaît donc bien secondaire.

Que ce soit la création, combattue avec la dernière énergie par les banques, d’une agence de protection des consommateurs, ou bien le dispositif de contrôle systémique des activités financières, qui prétend anticiper celui-ci et, au cas où il n’y parviendrait pas, faire payer le coût d’une nouvelle crise par un fonds abondé par les établissements financiers, pourvu de la somme de… 150 petits milliards de dollars. Ou bien le droit de regard donné au Congrès sur les opérations monétaires et de prêts aux établissements financiers de la Fed, à condition qu’aucune mesure ne soit rendu publique dans les six mois qui suivent son adoption. Ou encore des restrictions mises à tout prêt à des entreprises autres que des banques, dans le cadre de la mission de « prêteur en dernier ressort » de la banque centrale.

Sous les apparences de la fermeté et de la rigueur, cette « avancée historique », selon Barney Franck, président de la commission financière de la Chambre et grand artisan de la version définitive du texte, sera en fait évoquée dans les livres d’histoire comme l’implantation d’un décor trompeur derrière lequel le système financier va pouvoir continuer de jouer en toute quiétude et irresponsabilité au casino.

Avant qu’une loi ne puisse être finalement promulguée par Barack Obama, tout un chemin tortueux plein de nouvelles embûches reste encore à parcourir, qui vont nous amener à l’été 2010 selon toute probabilité. La discussion va d’abord se poursuivre au Sénat, sur la base d’un autre projet, qui minore fortement les prérogatives attribuées à la Fed dans le texte voté par la Chambre des représentants et affirme d’avantage celles de l’administration. Puis, les deux assemblées vont devoir se mettre d’accord sur un texte unique. Mais, comme disent les coureurs cyclistes qui tentent une échappée, se retournant vers le peloton distancé : « le trou est fait  ! ». Le contrôle des produits dérivés, déjà très malmené, a été réduit à sa plus simple expression et il est fort peu probable qu’il soit revenu sur cette question essentielle.

Une enquête d’opinion, réalisée début décembre par l’agence d’information financière Bloomberg, fait pour le moins contraste avec la loi adoptée hier. Elle met en évidence que deux tiers des Américains sont en faveur d’une taxation des riches afin de réduire le déficit (c’était une des propositions de campagne de Barack Obama), et que seulement un quart d’entre eux accepterait que les classes moyennes contribuent à cet effort. L’emploi est la première préoccupation exprimée. Il se manifeste une forte attente en faveur d’une politique d’investissements publics dans les infrastructures et les énergies alternatives, afin d’en favoriser la croissance (ce sont des décisions déjà annoncées par Barack Obama). Les américains manifestent cependant un important scepticisme vis à vis de l’action du gouvernement : à raison de 51% d’entre eux à propos de la lutte contre le chômage, et de 61% à propos de la diminution du déficit public. Presque 9 Américains sur 10 considèrent que les classes moyennes vont devoir faire des sacrifices, tout en le désapprouvant. Enfin, s’agissant des mesures d’économies que le gouvernement devrait prendre, la majorité des personnes interrogées considèrent que certains programmes gouvernementaux ne sont pas justifiés et devraient être coupés. Sont identifiés en priorité : le programme de 700 milliards de dollars de soutien aux banques (TARP), son équivalent pour l’industrie automobile, ainsi que les 787 milliards de dollars que représentent les interventions militaires en Iraq et en Afghanistan (chiffres de début décembre). Il est par ailleurs notable que peu de différences soient enregistrées dans les réponses en fonction de l’inscription sur les listes électorales, selon l’appartenance démocrate, républicaine et indépendante.

A sa manière, Barack Obama s’efforce de faire écho à ces préoccupations. « Je n’ai pas été élu à la présidence pour engraisser un tas de banquiers de Wall Street », déclare-t-il sur la chaîne de télévision CBS. A propos des bonus des banquiers, pour lesquels le secrétariat au Trésor a confirmé qu’aucune mesure de taxation de ceux-ci n’était envisagée, il ajoute  : « Ce qui m’étonne, c’est que les gens de Wall Street n’ont toujours pas l’air de comprendre (…) ils se demandent toujours pourquoi les gens sont en colère contre les banques ». Ou bien encore  : « Ce qui me met vraiment en colère, c’est que les banques qui ont bénéficié de l’aide de l’argent du contribuable sont celles qui se battent bec et ongles au Congrès, contre une régulation financière ». Mais il n’est pas garanti que le seul exposé des étonnements et des colères du président, sans être assorti de mesures y répondant, puisse contrebalancer la détresse des chômeurs ainsi que des expulsés, pas plus que celle des plusieurs dizaines de millions d’américains qui se nourrissent grâce à une allocation de « food stamps » (tickets d’alimentation). Selon le ministère de l’agriculture, qui est en charge de ce programme, ils étaient 28,4 millions dans ce cas en 2008, dont la moitié âgés de moins de dix-huit ans.

En attendant, Goldman Sachs continue d’attiser une autre colère, l’attirant comme un paratonnerre, des informations venant de sortir dans le Wall Street Journal qui font part non seulement de l’énorme dédommagement de la Fed que la banque a reçu à l’occasion du sauvetage de l’assureur AIG, aux conditions financières les plus favorables, mais surtout de l’importance des engagements qu’elle avait précédemment fait prendre à AIG sur le marché des produits dérivés adossés à des prêts hypothécaires (CDO et CDS), pour son propre compte ou en tant qu’intermédiaire pour d’autres banques. Tout cela gardé rigoureusement secret par la Fed, au prétexte de la protection de l’indépendance de cette dernière. Paul Volcker, ancien président de la Fed et conseiller (sur la touche) de Barack Obama, déclarait en substance tout dernièrement à Bloomberg : qu’ils fassent ce qu’ils veulent, mais qu’ils ne bénéficient pas du filet de protection public ! Revenant, et le déplorant, sur la décision prise en catastrophe d’accorder à la banque d’affaires, ainsi qu’à sa consoeur Morgan Stanley, le statut lui permettant d’accéder aux guichets d’aide de la Fed. Alors que, selon ses propres chiffres, 90% des résultats de Goldman Sachs, par exemple, proviennent d’activités de spéculation financière n’ayant rien à voir avec l’intermédiation (l’activité de prêt), qui devrait être seule soutenue. Dans cette même interview, pour ne pas s’en tenir aux banques, Paul Volcker relevait également le cas de General Electric, dont l’activité financière a pu s’appuyer sur les garanties offertes par la Fed.

Un signal vient de retentir, qui n’est pas celui de la cloche de Wall Street annonçant la fin d’une séance une fois de plus marquée par l’euphorie boursière. Les rendements des bons du Trésor américain à 30 ans ont à nouveau franchi la barre des 4,50% – cela avait déjà été le cas en août dernier – tandis que le spread (l’écart) avec le taux des bons à 2 ans s’accroît, ce dernier étant proche des plus bas atteints durant la crise, soit 0,7%, quand les bons du Trésor étaient un des rares refuges disponibles pour les investisseurs, et qu’ils s’y précipitaient à n’importe quelle condition. Une telle situation est toujours annonciatrice de problèmes à venir. D’autant que, selon les spécialistes, les taux longs devraient continuer à grimper, reflet des incertitudes qui commencent à circuler sur l’évolution de la notation des obligations américaines, devant le montant d’émissions annoncé pour l’année prochaine  : 2.400 milliards de dollars sont au total prévus. Une telle montée des taux, si elle intervient, aura alors des répercussions sur tous les taux financiers en général, atteignant ceux qui vont avoir à lever des capitaux, les banques en premier lieu. Ainsi que les grandes entreprises, qui pour l’instant profitent des bas taux obligataires. L’ensemble perturbant une faible relance économique.

Plus grave encore dans ce panorama : la situation des petites et moyennes entreprises (small business), qui dans les 15 dernières années ont contribué à 64% des créations d’emploi. Des défaillances en série de celles-ci auraient d’énormes conséquences sur l’emploi, déjà en terrible posture. Or les mesures incitatives déjà prises en leur faveur par l’administration n’ont pas donné les résultats escomptés. Car les PME souffrent d’abord de la crise économique et de ses conséquences sur la consommation et la demande. Si les banques régionales et locales, leur principal accès au marché financier (la traditionnelle utilisation par les petits patrons de leurs cartes de crédit revolving pour soutenir leur entreprise étant restreinte), devaient faire davantage défaut, empêtrées dans leurs propres problèmes et alignant les faillites, les PME pourraient alors en faire les frais de manière spectaculaire. Il en résulterait un effet boomerang sur les banques, car il est déjà estimé que 40% des prêts de celles-ci aux PME font déjà problème. Barack Obama a annoncé, le 8 décembre dernier, une réaffectation partielle des fonds du TARP afin d’aider les PME par un ensemble de nouvelles mesures. Mais l’on peut se demander (c’est le cas de The Economist dans un article consacré au sujet) s’il ne serait pas nécessaire, en priorité, d’aider les banques régionales qui ont été jusqu’à maintenant totalement laissées à elles-mêmes. Pour le coup, le « socialisme » d’Obama se répandrait comme un mal semant la terreur…

La crise s’est propagée dans tout le tissu économique américain, les finances de certains Etats et grandes villes sont au bord de l’asphyxie, des régions entières sont plus particulièrement sinistrées. Le chant de victoire de Nancy Pelosi est totalement incongru. Le divorce entre le pays et son système financier grandit, Barack Obama apparaissant de plus en plus rangé du côté de ce dernier, malgré ses beaux discours. La réforme de la santé n’y suffira pas, un vide politique s’instaure, porteur d’inconnu.

28 réponses sur “L'actualité de la crise: crise économique et vide politique aux Etats-Unis, par François Leclerc”

  1. si les élus continuent à voter des lois paravents, c’est qu’ils possèdent suffisamment d’informations leur apportant la preuve que leurs électeurs sont résignés non seulement à en subir les conséquences mais également à les réélire: il semble que les 50 millions d’américains pauvres ne soient pas un critère déterminant pour inquieter les puissances politiques et financières de ce pays. Et d’ailleurs que se passe t’-il en dehors des tea party? rien

  2. Richesse du present ephemere et caché,aux USA aussi ou les tea party ne sont que la partie mediatisée du bouillonnement en cours.

    Face a la betise institutionelle des Etats comme de l’ONU otages du capitalisme vert, la creativité de masse des humains desalienés en action a Copenhague comme partout :

    ….Ce qui frappe au Klimat forum, le sommet de la société civile, c’est l’émergence d’un véritable mouvement global écolo. Alors que l’altermondialisme reste plus que convalescent en Europe, on peut avoir le sentiment que l’espoir se situe maintenant dans le camp des écolos.

    Débats renouvelés, pratiques militantes différentes. Ici par exemple pas de déclaration commune « de la société civile » négociée dès avant le début du forum par quelques organisations triées sur le volet …

    Il y a à Copenhague tous les ingrédients d’un renouveau du mouvement pour un autre monde possible et nécessaire. Reste à savoir si chacune et chacun saura s’en emparer…

    http://www.hns-info.net/spip.php?article20851

    Quand verrons nous ces debats et ou ?

    Les réponses ne sont pas soufflées par le vent, entretien avec Betina Cruz Velásquez

    Betina Cruz Velásquez, de l’Isthme de Tehuantepec (Oaxaca, Mexico) participe à un mouvement croissant de résistance aux fermes éoliennes que les multinationales installent dans les pays du Sud. Elle raconte à Mary Lou Malig et Cecilia Olivet comment ses fermes déplacent les communautés indiennes de leurs terres…

    http://m-e-dium.net/articles/post/nico/2009/12/les-reponses-ne-sont-pas-soufflees-par-le-vent-entretien-avec-betina-cruz-velasquez/

  3. Ceci dit, c’est mieux que si c’était pire…(citation grandiose d’un politique français)
    Même en temps de crise, il y a toujours moyen de se faire de l’argent :
    http://qc.news.yahoo.com/s/capress/091116/finance/20091116_usa_economie_crise_aig_1
    « Le gouvernement américain a payé trop cher pour soutenir AIG, selon un rapport »
    « Par conséquent, des milliards de dollars sont allés inutilement à des banques américaines comme Goldman Sachs, Wachovia ou Merrill Lynch, mais aussi à des européennes comme Société Générale, Deutsche bank, UBS ou Calyon.

    La Réserve fédérale avait refusé dans un premier temps de révéler les noms des banques bénéficiaires de ces financements publics que M. Barofsky estime indus. Le financement de AIG aura coûté en définitive plus de 180 milliards de dollars aux contribuables américains.

    Le Trésor a besoin de meilleurs outils en temps de crise, a reconnu sa porte-parole Meg Reilly. »

    Tout comme un commercial ne peut être bon gestionnaire, un politique est nul en économie… mais ça sert à certains 😉

  4. Je vais peut-être encore passer pour un fou en lançant une idée qui me vient comme ça…
    Mais peut-être pas si tant que ça.

    Ne trouvez-vous pas que l’Europe se met de plus en plus à ressembler furieusement aux US..???

    Etats en faillite, discordes dans tous les sens, vide politique au sommet, craignant chaque réaction de la Chine et des Bric,…

  5. Il semblerait que la semi-capitulation de la Chambre des Représentants en matière de régulation financière est le présage de discussions concernant la manière d’alléger le fardeau de la dette publique américaine en le faisant supporter par la population en général. Il est possible qu’un consensus se dégage quant à l’introduction d’une TVA fédérale aux Etats-Unis (où seule une taxe sur les ventes finales est actuellement perçue par les états de l’union et les municipalités), malgré l’inéquité de la TVA, qui pénalise lourdement le consommateur peu argenté. Comme en Europe, il est supposé qu’une augmentation des recettes fiscales au niveau de plus ou moins 20% est nécessaire. En France, les projets de Sarkozy consistent à réduire les dépenses publiques de l’Etat tout en forçant les régions à augmenter leurs taux de pression fiscale (elles n’ont pas le choix! Voir à ce sujet les discussions oiseuses sur la « compensation » payée par l’Etat aux régions du fait de la suppression de la taxe professionnelle). Aux Etats-Unis, c’est l’inverse: on laisse (théoriquement) les états de l’union appliquer les taxes de leur choix (leur taux est généralement assez faible, même s’il existe sur ce plan une forte disparité entre les états), mais, si les démocrates l’emportent aux élections de mi-mandat, il en résultera vraisemblablement une TVA nationale servant à combler « progressivement » le déficit. Il n’est plus question de parler de « retour de la croissance », mais seulement d’assurer (?) la solvabilité de l’Etat fédéral.

    Cf.: http://www.nytimes.com/2009/12/11/business/11vat.html?ref=global

    1. Intéressant interview de Volker, trop optimiste.

      – La situation n’est pas comparable à 1929, seulement 10% de chômage au lieu 20-25%. Donc ce n’est pas une dépression, mais un récession, ce qui fait une grande différence. Oui pour le moment, c’est vrai, mais la situation ne va pas s’arranger.

      -De plus, miser sur les industries vertes, pourquoi pas. Puisque la voiture ne fait plus recette, le consommateur préfèrera surement une éolienne dans son jardin.

      Bref, j’ai lu moi que les courbes des indicateurs économiques sont pires qu’en 1929, dans plusieurs articles…

  6. l’argent rend intelligent ?

    c’est effarant de constater que la fuite du pognon asseche encore plus le QI de nos dirigeants que la fin du leadership occidental !

    pour parodier cette maxime anglosaxonne « No Pain , No Gain »

    c’est plutot « No Gain , No Brain  » !

  7. La responsabilité morale des chartered accountants, des commissaires aux comptes et des auditeurs en général doit être mise en avant pour expliquer l’une des causes des crises financières du monde libéral.
    Il y a un mépris de cette profession qui la rélègue loin derrière les économistes et les financiers. Combien d’experts comptables dans le monde ont ils eu une carrière politique ?
    Pourtant qui « évalue » les entités économiques ?
    Le grand battage des années 85/90 a en fait bien rigoler plus d’une de part le monde .
    Le principe comptable de « juste valeur » a été imposé au monde dans les normes IFRS, IASC et FASB par des financiers US au grand étonnement des « comptables européens » qui n’en voyait pas l’utilité.
    Aujourd’hui, le monde des « experts comptables » a un rôle à jouer en rejetant en bloc la notion de « juste valeur » sans l’adapter aux circonstances pour satisfaire les lubies des financiers en mal de « ravalement » de leurs bilans.
    C’est la notion de « constante valeur » qui doit remplacer la notion « vicieuse de juste valeur.
    La « constante valeur » c’est la valeur actuelle des revenus futurs hors plus value générés par l’industrie et l’activité commerciale humaine sans prise en compte des produits financiers. La durée est celle de l’activité considérée.
    Les nations pourraient adopter cette notion de « constante valeur » dans la parité des monnaies en se référant à une valeur monétaire constante: L’or étant la valeur constante de référence aux quelles toutes les monnaies seraient évaluées.

    1. @ Je partage entièrement votre opinion
      C’est un peu comme les paris sur les prix : en apparence une mesure benigne , en réalité un enjeu fort.
      Mais hélas cette question a été passée sous silence souvent par ignorance des commentateurs
      amicalement

    2. @ claude roche

      Interdire les paris sur les prix, comment faire en pratique ? cela revient à interdire à un client X d’acheter une matière première (en vue d’y porter la spéculation) ? Ou lui interdire de se positionner en bourse avec diverses outils (trackers) qui sont rémunérés en fonction des variations de prix… ?

  8. Les américains ont de la chance, ils vivent en démocratie. S’ils ne sont pas satisfaits de la politique de l’administration actuelle, ils pourront toujours élire les républicains aux prochaines élections. 🙂

  9. On est arrivé à une sorte d’outrance ,d’ubris comme disent les sachants et c’est assez désespérant ,tout le monde va trinquer ,à commencer par les plus humbles…

  10. @ la coupe est plutôt à moitié pleine

    Merci de cet article, et de ces informations venant des Etats Unis.
    Ils nous montrent que le débat sur la régulation financière bat son plein, que les lobbies financiers sont en pleine action. Mais c’est le détail de l’histoire.. Ce qu’ils nous montrent c’est la rupture de consensus historique entre « main street » et les principes du néolibéralisme (le néolibéralisme n’étant rien d’autre que l’ (ancienne ?) vision américaine du monde !!)

    Et de ce point de vue là, les événements dépassent les espérances (les miennes en tout cas). Certes vous notez que les lobbies militent pour édulcorer maints projets de loi. Mais je ne suis pas sûr de partager la conclusion de votre analyse. En fait j’ai l’impression que vous raisonnez comme si les Etats Unis n’étaient pas une démocratie (certes moins cohérente que les démocraties européennes .. mais quand même)

    En démocratie le temps politique est un temps long, il repose sur des principes établis de longue date (aux Us, par exemple, le non interventionnisme dans les affaires économiques, le droit accordé aux lobbies etc.. ) que l’on ne doit pas changer comme cela : et surtout pas dans l’urgence (dans l’urgence un pas dans ce que nous croyons être la bonne direction est en fait un pas vers la dictature !) .

    Or ce qui se passe aux Etats Unis est non seulement un débat sur ces principes, mais – à ce que vous dites – un débat qui mobilise et divise l’opinion … c’est historique : car c’est la première fois que le consensus de base qui explique la montée du noé-libéralisme s’effrite.

    De ce point de vue l’important n’est pas que les réformes démocrates soient ou non éducorées : cela c’est la vision court termiste des financiers. L’important est que des institutions comme l’agence des consommateurs se mettent en place (chacun sait que le juridisme aidant elle gagnera jour après jour du pouvoir). Qui plus est au terme d’un conflit ou chacun peut voir qui est qui. C’est dans des débats de ce type que se contruisent les bases d’une alternative politique (sachant qu’Obama n’a j’amais été une telle alternative que dans les fantasmes des Européens ). Ainsi en est-il de la FED ; dans un précédent post beaucoup doutaient que la FED puisse être soumise au contrôle des autorités parlementaires : jamais les lobbies n’accepteront cela disait-on ( comme si on était dans une vulgaire république bananière) . Aujourd’hui on se récrie : mais ce contrôle n’aura lieu qu’après une période de 6 mois. (soyons sérieux 6 mois ou 2 ans c’est toujours du contrôle ).

    amicalement

    1. Une séquence du dernier film de Michael Moore (Capitalism : a love story), est particulièrement forte. L’endoctrinement des américains sur les mérites de la « libre entreprise » et du « marché libre », par la radio, le cinéma puis la télévision est illustré par des extraits de films ou d’émissions, particulièrement caricaturaux. Le rôle attribué à Hollywood dans la dispense de la bonne parole, puis des séries TV, a été par ailleurs suffisamment relevé pour qu’il ne soit pas nécessaire d’y revenir.

      Sommes-nous, ou non, à un tournant, à l’amorce d’une rupture de ce consensus idéologique imposé  ? Nous rappelant que les Etats-Unis, avant l’avènement destructeur du Mac Carthysme qui n’a été qu’un point final, ont connu des époques de luttes sociales intenses, ainsi que l’expression de fortes traditions ouvrières et populaires. Observant aujourd’hui, ce qui est sans doute le plus important dans l’enquête publiée par Bloomberg, que l’appartenance aux camps des démocrates ou des républicains influait peu sur les réponses aux questions des enquêteurs. Comme si la situation vécue ou redoutée par les sondés l’emportait sur leurs propres convictions politiques et les amenaient à souhaiter des solutions pouvant y être contraires (notamment pour les républicains).

      Je concluais mon billet en parlant d’entrée dans l’inconnu. Nous venons à peine de le faire et je crois prématuré d’essayer de répondre à cette question. Dans ce type de situation, il est toujours à craindre qu’un courant populiste réactionnaire vienne capter l’attention d’une société en plein désarroi, ayant perdu ses repères idéologiques, subissant une crise économique et sociale prolongée. La force d’entraînement de la dénonciation de la collusion entre l’administration (les bureaucrates de Washington) et le monde des banques n’est pas à négliger. N’aboutissant pas nécessairement à un discours libéral (au sens de la gauche américaine). A l’inverse, on ne voit pas pour l’instant de signes indiquant qu’un mouvement social, collectif, est en cours de formation. Rappelons-nous, pour en juger, ce qu’ont représenté le mouvement contre le racisme et pour l’égalité des afro-américains ou celui d’opposition à la guerre du Viet-Nam.

      Mais il faudrait être sur place pour en parler de manière plus pertinente…

    2. « Mais il faudrait être sur place pour en parler de manière plus pertinente… »
      Pas forcément, non. Le recul est aussi utile.

      Les peuples n’ont pas encore commencé à souffrir. Voilà tout.

      Alors, effectivement, lorsque vous parlez d’une récupération par un ou plusieurs dictateurs, cela nous pend au nez à chacun maintenant sur la planète.

      Le pied, non?

    3. merci de cette réponse,
      et je reconnais que vous avez raison de présenter tout pronostic comme prématuré
      Ceci dit et pour prolonger le débat, je crois qu’il faut se garder de trois points
      D’une part de parler d’une domination, d’un consensus imposé par des groupes qui manipuleraient le pouvoir . Tout cela m’apparaît comme le disait feu Mao Tze Dong comme des tigres de papier. Je crois le consensus américain beaucoup plus ancré dans la culture et dans une certaine idée de la responsabilité individuelle (le mérite par le travail).
      Ce qui se joue aujourd’hui c’est le constat que ce credo peut ne pas marcher.. et si ce constat venait à se cristalliser , alors aurait lieu la vraie rupture
      Juste deux remarques : vous semblez craindre la montée d’un mouvement populiste . Pourquoi craindre des choses qui seraient (dans ce cas) inexorable ?
      Quant aux « libéraux » américains, je crains que vous ayez beaucoup de déceptions..
      amicalement

      Par contre je me sépare de vous sur la référence aux « libéraux » américains : je n’y crois pas du tout

    4. « Alors, effectivement, lorsque vous parlez d’une récupération par un ou plusieurs dictateurs, cela nous pend au nez à chacun maintenant sur la planète. »

      Je m’auto-corrige ou plutot, j’affine : la propagande, le pouvoir de l’argent, et les partis politiques sont déjà une dictature en soi.

      Vous savez comme moi que ce qui nous sauve d’un pouvoir mondial écrasant est la concurrence entre capitalistes individualistes, non?

      Alors?

      On fait quoi?

  11. Les déclarations d’ Obama, que vous rapportez, sonnent étrangement.
    Ce n’est pas un observateur qui les formulent, mais un acteur ayant pouvoir
    de décision ou d’orientation, et non un chef politique européen englué et
    paralysé – bienheureux paralytique – par des traités abscons.
    L’ executif US a des pouvoirs élargis, tant qu’il n’empiète pas sur les prérogatives du Congrès.
    Obama le sait-il ? Est-il persuadé, comme certain chef européen, que les transes verbales
    sont une pature bien suffisante pour des électeurs majoritairement immatures.

    Les déclarations d’ Obama, sa voix chaude et puissante, son ton convainquant pour dire
    sa colère d’opérette, et en contre-partie l’inaction en faveur des victimes laissent penser
    que les électeurs US sont arqueboutés sur des a-priori idéologiques.
    Une seule conclusion raisonnable: les USA sont malades. La guérison , le retour
    à un réel opératoire, prendra du temps.

    Un historien avait intitulé le chapitre sur la guerre du Viet-Nam et ses contre-coups
    « la tentative de suicide des USA »; il n’y a rien à changer pour la période actuelle,
    sauf que c’est plus grave: 2 guerres, une industrie détruite au profit d’une finance
    vampire, une catastrophe climatique grosse d’inconnues et un peuple aveugle
    participant à sa propre déchéance par idéologie pure. Et si j’en oublie…

    Il faudrait songer à nous en protéger: cette dépression, avec son cortège de déni du réel,
    devient mondialement dangereuse.

    1. Oui. Comme disait L’inventeur des fractales, B. Mandelbrot,

      http://images.math.cnrs.fr/Revue-de-presse-octobre-2009.html

      … accompagné d’une interview de Benoît Mandelbrot dans laquelle il reproche aux institutions bancaires et financières de ne pas investir dans la recherche. Selon lui, « il était inévitable que des choses très graves se produisent ».

      Mandelbrot ne croit pas si bien dire. Mais il se concentre sur le problème des logiciels de spéculation, or ce n’est pas à cause de cela que des choses très grave arrivent.

      La différence par rapport à 1929 réside dans le filet de sécurité sociale, ce filet n’étant cependant pas capable de sauver la consommation et donc l’industrie. Les individus sont aidés mais l’activité continuera à décliner. Il n’y a pas de « stagnation » en racine carrée, ni de « W », celui qu’on essaie de nous vendre en début d’année 2010, pendent de celui de l’année dernière (le redémarrage, voyez les jeunes pousses!). La stagnation économique est l’une des billevesées indéfinies qu’on essaie de conter au public, voyant que la reprise se fait attendre. Les économistes se croient autorisés, après leur incapacité à prévoir la crise à continue d’user d’arguments et de concepts non vérifiés, non expliqués, moins explicités que la virginité de la Vierge. L’église se donnait du mal à étayer ses propos. Nous sommes dans un obscurantisme économique total, concernant le grand public.

      L’hypothèse de la stagnation ne tient pas compte de l’absence de relève concernant le crédit, et du fait que le capitalisme ne fonctionne pas sans crédit. Quand le comprendront-ils ?

      Le « recovering » même à 20 ans est une utopie. Le mot ne crée pas la chose ! Il n’y a pas de sortie de crise. C’est comme si le moteur cassé, on se refuse de voir ce qu’il y a à l’intérieur !

      L’économie est toujours aussi naturalisée, l’on nous projette dans un contexte de concurrence économique avec la Chine, l’Allemagne etc, comme s’il n’y avait pas d’alternative. Ce contexte de concurrence est une altérité économique contre laquelle on invoque le « patriotisme économique » (contexte d’adversité), bien en vain car dans une économie mondialise (ce que peu de gens remarquent), gagner, c’est perdre. Se sacrifier au travail ne sert qu’à détruire l’économie du pays concurrent et donc à se priver de clients. Voilà la limite de cette doctrine darwinienne du « que le meilleur gagne ».

    2. Jérome.
      Je m’excuse de devoir écrire que votre commentaire se doit d’être pris « avec des pincettes ».

      En effet, si le commun des mortels savait ce qui se passe dans les banques comme dans la mafia, ni les uns ni les autres ne pourraient plus exister.

      Réfléchissez avant d’écrire.

    3. @ yvan 13 décembre 2009 à 19:43:
      « En effet, si le commun des mortels savait ce qui se passe dans les banques
      comme dans la mafia, ni les uns ni les autres ne pourraient plus exister. »

      Je ne suis pas d’accord, si j’ai compris correctement.
      Voulez-vous parler de la mise en lumière qui assainit ?
      Ou bien: suffirait-il que le peuple ait connaissance d’un délit massif, pour que
      ses auteurs,surpris en pleine clarté, transpirent de honte et cessent leurs méfaits?

      Je crois que la question, sans être compliquée, a plusieurs variables qui devraient
      invalider l’angélisme simplificateur. La question pour l’opinion US face aux agissements
      des méchants de Wall-Street est soit qu’elle est aveugle soit qu’ elle imagine que la solution
      passerait par une horrible chose « bolcho-socialiste » ou pire « bureaucratie fédérale », absolument
      impensable, mieux: impensée. Cet aveuglement, soigneusement créé par différents lobies,
      est un signe de refus du réel.
      L’opinion US est malade; elle est inaccessible au raisonnable.
      On peut refuser l’outil médical; il reste la régression politique et l’obscurantisme…

  12. Il me semble que nous sommes à la veille de crises politiques majeures qui vont désarticuler les sociétés européennes et ouvrir des devenirs possibles. L’enjeu sera la révision-résiliation de la gouvernance oligarchique-démocratique. De vives tensions ont déjà commencé d’ébranler « la chose ». Plusieurs laboratoire sont d’ores et déjà en fusion, de l’Irlande à la Grèce, de l’Espagne à la Lettonie. Ici et là l’ancien jeu politique institutionnel est devenu hautement instable, et le débat qui agite les gestionnaire de la « sortie de crise » concerne la forme de la désarticulation à mettre en oeuvre : un schéma néolibéral de compression des dépenses sociales et public, à haute teneur sécuritaire et identitaire semble tenir la corde dans les médias pour tenter de contenir les mécontentements qui montent de tout part. Le grand cycle de la paupérisation va assurément déterminer une resubjectivation globale des populations. Rien n’est écrit d’un tel script. A ce titre l’enquête Bloomberg indique sommairement une direction prometteuse. Qu’on relise ce passage du commentaire de M. Leclerc :

    « Enfin, s’agissant des mesures d’économies que le gouvernement devrait prendre, la majorité des personnes interrogées considèrent que certains programmes gouvernementaux ne sont pas justifiés et devraient être coupés. Sont identifiés en priorité : le programme de 700 milliards de dollars de soutien aux banques (TARP), son équivalent pour l’industrie automobile ainsi que les 787 milliards de dollars que représentent les interventions militaires en Iraq et en Afghanistan (chiffres de début décembre). Il est par ailleurs notable que peu de différences soient enregistrées dans les réponses en fonction de l’inscription sur les listes électorales, selon l’appartenance démocrate, républicaine et indépendante. »

    L’enquête ne dit pas quels programmes gouvernementaux devraient être au contraire abondés. Ni bien sûr la forme que prendrait un gouvernement ayant la volonté de cheminer sur une si belle cîme. Ici communiquent toutefois les différents niveaux d’une même critique. Une sorte d’expression simple et joviale de l’intelligence collective. Voici un beau début de programme, non ? Est-ce bien réaliste nous dira David Pujadas ? Grande est la crise de la gouvernance fiinancière qui dénoue noeud à noeud le contrat perdu de la propriété privée pour tous, de l’actionnariat communiste, de l’enrichissement infini, de la consomption mortifère de ressources réputées intarissables, lui répondrons nous. A lire le programme Bloomberg entre les lignes, et avec d’excellentes lunettes, la paupérisation emporte la métamorphose des âmes et des formes de vie. Le recul de la propriété privée – cette pollution de l’éthique. Une ascèse qui se compense de la joie d’être. De créeer. D’aimer. Le parti de l’égalité. Il n’empêche ; nous n’avons guère besoin de sondages. Nous avons surtout besoin d’exemples de création et d’expérimentations collectives pour « sortir de la crise ».

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